Etes-vous propriétaire de l’image de votre bien immobilier ?

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Etes-vous propriétaire de l’image de votre bien immobilier ?

Vous venez de découvrir votre propriété en photo sur une plaquette publicitaire, dans un film ou sur les réseaux sociaux ? Avez-vous le droit de vous y opposer ? Etes-vous propriétaire de l’image de votre bien immobilier ? L'article 544 du Code civil détient la réponse…

 

Si vous êtes une personnalité renommée, sans doute n’avez-vous aucune envie de voir votre maison exposée aux yeux de tous. Ou peut-être êtes-vous propriétaire d’une demeure si atypique et superbe que son image a été utilisée à des fins commerciales par un tiers qui en tire financièrement profit. Il peut également s’agir d’une utilisation de l’image de votre bien immobilier qui le dévalorise. Ces différents cas de figure peuvent expliquer la volonté de réagir. Mais en avez-vous le droit ? Tout propriétaire a un droit de jouissance de son bien mais ce droit n’implique pas d’être propriétaire de son image.

 

 

Le droit de jouissance de son bien immobilier du propriétaire

Selon l'article 544 du Code civil, « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». « Cet article a été adopté en 1804, sous Napoléon, et n’a jamais été modifié, annonce Aurélien Bamdé, docteur en droit privé de l'Université Paris 2 Panthéon-Assas. La jurisprudence a interprété et construit le droit autour de cet article ».

 

 

Droit à l’image des personnes Vs droit à l’image des biens

Il est important de bien différencier le droit à l’image des personnes et le droit à l’image des biens. La personne est en effet propriétaire de son image. Aucune justification à donner, aucun préjudice à prouver ; il faut son autorisation pour que son image soit exploitée.  « En matière de droit à l’image des biens, c’est l’inverse, explique Aurélien Bamdé. La jurisprudence a rendu une décision importante, en 2004, lorsque la Cour de Cassation a expliqué qu’il n’y avait pas de droit à l’image du bien. Un propriétaire n’est donc pas propriétaire de l’image de son bien immobilier SAUF si cette image porte préjudice. C’est ce qu’on appelle le trouble anormal ».

Le 31 mars 2015, une décision de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation a précisé que l’exploitation commerciale en elle-même ne constituait pas un trouble en tant que tel.

 

 

Trouble anormal et recours en justice

Comment une image peut-elle porter préjudice ? Il peut s’agir d’une image dégradante du bien. Ou encore d’une image portant atteinte à la vie privée des propriétaires (imaginons des centaines et des centaines de touristes empêchant la bonne circulation aux alentours de la propriété et exposant les habitants des lieux aux photographies !).

Que faire en cas de trouble anormal ?

« Il faut saisir le juge, indique Aurélien Bamdé. Le tribunal judiciaire est en effet compétent et plus précisément le juge des référés. Une procédure urgente sera lancée, au cours de laquelle le propriétaire assignera l’auteur du trouble pour lui demander de cesser et éventuellement de lui verser des dommages et intérêts, s’il est possible de justifier le préjudice ».

 

 

Droit à l’image du bien : un équilibre instauré par le droit

Pourquoi avoir considéré qu’il n’y avait pas de droit à l’image du bien ? Pour éviter d’étendre le domaine privé sur le domaine public. Si on considère en effet qu’il y a un droit à l’image du bien, aucune photo ne peut être prise nulle part – sauf si l’on envisage de frapper à chaque porte dans une ruelle charmante que l’on aura voulu immortaliser en la photographiant, pour obtenir le consentement de chaque propriétaire. Ingérable ! –. « Le droit est là pour instaurer un équilibre, une paix sociale, conclut Aurélien Bamdé. Il n’existe pas de droit à l’image du bien immobilier mais une limite a été posée, avec la notion de trouble anormal ».